Etre prof a Geitan
Aujourd'hui la tete un peu videe (je sais pas si c'est un bon jour pour parler, mais bon...), j'aimerais vous parler du metier de prof, maintenant que je suis prof et qu'on m'appelle SENSEI (prof en japonais).
J'avais du mal a l'accepter ce poste et j'ai toujours un peu de mal. Ado, je n'aimais pas trop les profs, sauf les plus strictes, bizarrement. Cette autorite qui nous poussait a travailler, je la voyais tres benefique. Peut-etre manquais-je un peu d'autonomie et de self-discipline...?
Ce qui est drole maintenant c'est que je me retrouve a enseigner
devant une classe de 20, 30 et au maximum 60 eleves (car il n'y a pas plus de
60 chaises). Ca fout les jetons de voir 60 ados devant soi, alors que
moi-meme je ne suis pas si agee que ca. Puis petit a petit, on prend
gout a la dictature.
"Toi, puisque tu as envie dormir, va au tableau
corriger l'exercice",
"Vous la-bas, c'est la pause-cafe? (variante: "Vous faites une reunion?"),
"Vous avez
pris des somniferes avant de venir en cours?"
Avant d'attirer la foudre des pedagogues, je precise
qu'au Japon, une fois le concours d'entree a l'universite passe, ce
n'est pas:
一生懸命勉強する (travailler d'arrache-pied) mais 一生懸命遊ぶ(s'amuser un
max)
Les
eleves sont EXTREMEMENT fatigues en cours, une fois la classe terminee,
vite-vite! on sort les trousses de toilettes pour se repoudrer le nez
et remettre ses 4 meches de cheveux en place. Les retouches sont
evidemment
essentiels puisqu'elles sont tellement actives en classe...
Au
Japon, la relation profs-eleves c'est parents-enfants.
Les eleves
viennent plus facilement vous parler. Un jour, une eleve est venu me
demander comment on dit : 靴の本 en francais. Ca veut dire : livre de
chaussures. Elle a confectionne un petit cahier contenant differents
modeles de chaussures qu'elle a elle-meme dessines, qu'elle veut offrir
a son amoureux (il va etre super content, son gars, un livre avec des
dessins de chaussures...). Alors on a parle pendant 30 minutes.
Vraiment sympa, le
lendemain je l'ai interrogee, normal, je me souviens de son nom.
Moins
sympa lorsqu'une jeune bimbo a la J-Lo nous fixe d'un regard des
plus meprisant pendant tout le seminaire et qui ne se gene pas pour
bailler 3 fois en une minute pendant 1 heure, quel plaisir de voir ca...! Hier, j'ai parle de l'alimentation des
Francais, ok pas tres sujet glamour. En evoquant une fois la maigreur des top models, j'ai eu droit a 7 questions sur la mode et 4 seulement concernant de loin la nourriture. Donc voila, la prochaine fois, un sujet con comme le maquillage! Je propose a la prof le sujet La France et la Religion, elle me dit : "Oh non, les eleves ne s'y interesseront pas. Laisse tomber..."
De meme que lorsque j'apprends aux 2emes annees dans un exercice le mot "1er ministre"
pour parler de M. Junichiro, la prof fait une drole de tete, cours vers
moi et me dit urgemment que c'est TROP difficile, il faut seulement leur
apprendre "ministre". Oups, j'avais pas vu, c'est vrai que le mot
"premier" est tellement rare et vraiment complique. J'efface alors
"1er" du tableau, "M. Koizumi est ministre..."
Au fait, c'est les eleves qui decident des cours ou c'est nous??? Je sais pas.
Bon,
j'arrete de me plaindre. Ici au moins, c'est moi qui martyrise les
etudiants (gentillement, je precise) et non l'inverse (pas gentillement).
En comparaison,
j'aimerais vous
presenter l'excellent journal intime d'un prof en France, bonjour l'ambiance des salles de cours!!!
=> JAM (Journal Avec Memoire).
Desormais, je n'ai plus le meme regard envers les profs!